Le café des années covid, la mort du café incognito

10 Nov

[Nov. 2021] Vous vous souvenez ? Le temps où l’on se glissait furtivement dans un café, un journal à la main. Vous teniez du papier avec de l’encre noire qui s’imprimait sur les doigts. Sans rien dire. Pfut. Vous vous posiez pour immédiatement être installé dans la place. Un moment du quotidien à la fois délicieux et si banal. En terrasse ou en salle, sur une chaise ou sur une banquette. Un serveur arrivait à son heure, le ventre pointé vers l’horizon pour vous dire : « Et Monsieur, qu’est ce qu’il prendra ? » Vous l’entendez la voix éraillée du Titi Parisien ? Je l’ai bien dans l’oreille moi. Avec celle de Coluche, Arletty… Frétille encore sur mes papilles l’ombre de la liberté, son goût râpeux, âcre sur les bords parfois ; tout crémeux d’autres fois, quand ce n’est pas carrément leste, chamarré, iconoclaste, foufou. C’est toujours ça avec la liberté, imprévisible, n’est-elle est pas ? Et moi je me tenais là, au milieu des autres gens, incognito. Heureux d’être un passant à qui l’on demandait si peu.

Un client lit un journal et boit un café assis en terrasse lors de la réouverture des restaurants et cafés le 2 juin 2020 à Lyon, France. (Photo by Robert DEYRAIL/Gamma-Rapho via Getty Images)

– Et alors vous avez votre Passe ?

-Vous n’avez pas de smartphone ?

-Mais enfin voyons, un journal, ça ne suffit pas !

-Mais d’où sortez vous ?

-Vous n’allez pas pouvoir rester là, sortez Monsieur !

-S’il vous plait

-Oui, bon, s’il vous plait.

-Il ne me plait guère…

Une page est tournée. Terminé le café au bon goût incognito. Mais ça tombe peut être bien ; le covid a emporté mon goût.

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